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Invitation au voyage

Où est le bec de gaz ?

14 Janvier 2006 , Rédigé par Bertrand Publié dans #Livres - littératures et cinéma

Je l’avoue, j’ai réussi à voyager dix ans à Paris sans avoir jamais lu Houellebecq (le correcteur automatique de mon ordinateur n’accepte pas « Houellebecq » et me propose « Houilleuse »… ?). Il aura fallu donc attendre que je tombe, par hasard, sur son dernier ouvrage « La possibilité d’une île », à Valparaiso, pour me lancer. Je le fis avec d’autant plus de curiosité que j’avais appris qu’avec cet ouvrage, il avait frôlé la consécration du Goncourt. Alors, pourquoi pas un voyage sur une île pour atténuer la grippe ? 
Mais, on ne peut pas lire naïvement et ingénument Houellebecq, en tous les cas, pas moi. 
Il ne faut pas partir pas à l’assaut de ces 485 pages avec trop d’a priori négatifs, sinon, on finit sur les dents ou à manger le livre au bout de cinquante pages. Et Fayard, comme chacun sait, est souvent indigeste et difficile à digérer. 
D’abord, on peut se demander ce que l’auteur a contre l’Espagne et contre les Espagnols. Ensuite on se demande pourquoi il a écrit ce livre. 
Il est construit comme plus aucun soupirant à la publication littéraire n’oserait le faire en alternant scrupuleusement les chapitres écrits dans un certain présent et les autres dans un certain futur. A mi-chemin entre science fiction et anticipation, le livre est inclassable. Souvent un livre inclassable se révèlera génial, parce qu’inclassable, différent des autres, innovateur. Hélas, ici, c’est bien le contraire, prévisible, ennuyeux (le récit est chronologique et linéaire), longuet, complètement à côté de la plaque sur le côté génétique (ça parle clonage) et scientifique. Car, de quoi s’agit-il ? 
Au présent, on suit le récit autobiographique d’un célèbre humoriste qui ne réussit pas dans sa vie sentimentale comme dans sa vie professionnelle, et qui va se retrouver mêlé à une secte qui prône l’immortalité… Le personnage, un humoriste, est antipathique, sans humour, ce qui est un comble, tellement que l’auteur lui-même n’arrive pas à nous faire rire avec, grave erreur ! 
Les chapitres du futur sont de l’écriture de son vingt-quatrième clone… pire à déguster ! D’ailleurs, très vite au début, j’ai fini par sauté ces chapitres. 
Suivre un personnage antipathique dans la littérature, c’est difficile, et encore plus quand le récit se fait à la première personne. Le lecteur n’arrive pas à s’identifier, il lit avec recul, avec un filtre. Ce qui suit le lecteur se trouve ailleurs, et ici, le moteur de la lecture finit par être le voyeurisme, le cul et la réponse à la question : jusqu’où Houellebecq peut-il aller dans la platitude ? Hé bien, il va très loin, c’en est prodigieux. 
Je vous passe les mots tordus, alambiqués voire faux qui truffent le livre. Je vous passe aussi les stéréotypes et les clichés. Je vous passe aussi les provocations à caractère raciste dont H. est coutumier, mais qu’il a beau jeu de mettre dans la bouche de son héros qui, bien sûr, en aucun cas, n’est lui-même… 
Mais le plus gros défaut de son livre réside dans le décalage entre le niveau d’instruction annoncé de son héros et le niveau de raisonnement dont il nous assène l’écriture tout au long du livre. On ne lit et n’entend que H. dans tout le livre, son héros insignifiant, stupide et raciste, on y croit 20 pages… Sa culture, ses références philosophiques (deux philosophes, pas plus), son raisonnement sont 100% Houellebecq. Donc, le meilleur passage du livre, c’est quand Houellebecq fait du Houellebecq et raconte la fin de la vie sexuelle d’un homme proche de la cinquantaine : ça marche 30 pages… Mais ce n’est jamais drôle, c’est triste et pathétique… et faux ! 
Le reste n’est que de la science fiction d’adolescent attardé sur Internet qui a trop lu Science et Vie entre deux sites pornographiques, le tout teinté de racisme contre les Arabes, les Espagnols et l’Espagne, les vieux, les artistes et les cons… Enfin, pas les cons, les gens simples et normaux, ceux que Houellebecq ne rencontre jamais, ni dans les club échangistes, ni sur les trottoirs parisiens et qui font pourtant sans doute le gros de ses lecteurs. L’écriture n’est pas belle, H. n’est pas un écrivain, ce qui pose la question de la sénilité du jury du Goncourt. Mais en ajoutant beaucoup de cul, beaucoup de fantasmes interdits et des sujets racoleurs à la mode (clonage, pédophilie, inceste, liberté sexuelle et secte), il ne manque rien pour faire un succès peu estimable de librairie. 
Et si l’on me dit que cela n’est pas son meilleur ouvrage, je veux bien tenté « L’extension du domaine de la lutte »… lors de ma prochaine grippe !

 

 

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G
Bonjour,<br />  <br /> Je suis désolé, je ne lis ta réaction à mon commentaire, posté sur ton blog fin août, que ce matin, lundi 25 décembre 2006. (Ironiquement, je viens de faire une recherche sur la formule « montrer son cul pour cacher son coeur », que je sais due à Pierre Desproges mais dont j'ai oublié la source exacte, et figure-toi que ta page est la première de la liste -- or, elle contient cette formule parce que je l'y ai moi-même citée !... Grand moment de solitude cybernétique.)<br />  <br /> Je n'ai pas compris pourquoi tu me reprochais d'avoir « mis un faux lien » sous mon nom : quand je passe le curseur sur mon nom, c'est simplement l'adresse de ton blog qui apparaît, il est donc probable que je n'aie mis aucune adresse ; ce qui à vrai dire m'étonne, puisque dans le début de mon commentaire j'insistais sur la promesse faite au bas de la page de « répondre à presque tous les commentaires », c'est donc bien que j'espérais une réponse... Quoi qu'il en soit : je te prie de m'en excuser.<br />  <br /> Je ne te suis pas plus « rentré dedans » que tu ne l'as fait toi-même à l'encontre de l'auteur en question ; je suis navré que tu aies pris mes propos tant à coeur. Tu parles, me concernant, de « parti-pris », de « mauvaise foi » (?), de « douleur », de « méchanceté » -- or c'est à peu près le sentiment que m'avait donné ton texte. Pour ma part, j'accepte à la rigueur l'accusation de « parti-pris », celle de « douleur », mais « méchanceté » me paraît excessif, et, il faudrait que je me relise intégralement et attentivement, mais ça m'étonnerait qu'on puisse me reprocher une quelconque mauvaise foi. J'ai réagi à ton texte, je l'ai commenté point par point, vigoureusement mais, me semble-t-il, avec nuance et impartialité ; j'aurais pu me contenter, comme cela se fait souvent, de t'écrire « laisse tomber t'as rien compris pauv’ con » (je n'ai pas dit que c'était là le fond de ma pensée !...). Tu as raison, disais-je, d'une certaine manière, de parler de « douleur » ; mais avant d'aller plus loin, permets-moi de remarquer que ta réponse est également empreinte de douleur, d'une manifeste blessure d'amour-propre. Tu as écrit ce texte pour donner ton avis sur un livre sur-lequel-il-faut-donner-son-avis -- pour se faire mousser, ou avoir plus de visiteurs sur sa page, profiter un peu du phénomène médiatique par souci de visibilité... tu peux m'accuser, cette fois, de procès d'intention, mais on peut tout de même s'interroger sur les motivations qui font lire un livre parce-que-tout-le-monde-en-parle (alors qu'il y en a tant d'autres !), ne pas l'aimer parce qu'on préfère, quelque part, appartenir à la catégorie de ceux-qui-n'ont-pas-aimé-le-dernier-Houellebecq, et, surtout, bien le faire savoir -- cela, c'est de la mauvaise foi. C'est un peu trop facile, et il faut dès lors s'attendre à susciter des réactions agacées, au minimum. Certaines phrases de ton texte, je ne te le cache pas, m'ont blessé ; le fait est que certaines critiques qui sont faites à cet auteur (les plus injustes généralement) me vexent personnellement -- en vertu, vraisemblablement, d'un vague sentiment de “fraternité spirituelle”, en vertu de ce que certaines de ses pages m'ont profondément bouleversé, m'ont *parlé* comme rarement m'a parlé un autre auteur, un autre être humain même -- et l'incompréhension qu'il suscite (en dépit de son succès en termes de ventes) est comme un écho à l'incompréhension dont j'ai plus ou moins toujours été l'objet, dont j'ai plus ou moins toujours souffert et souffre encore. Qu'on le qualifie de stupide, ses lecteurs assidus se sentiront naturellement visés ; a fortiori si on le décrit comme « l'écrivain pour les aigris et les illettrés » (lu sur un autre blog). A force, ça saoule. Faut bien réagir, histoire de prouver, autant que possible, que l'on n'est pas complètement stupide. Michel Houellebecq n'a pas besoin de moi pour se défendre ; mais, d'une certaine manière, m'opposer vigoureusement, à l'occasion (et ça ne m'est pas arrivé souvent, crois-moi, en comparaison de la fréquence à laquelle je lis des textes dont j'ai envie de baffer les auteurs, sur ce sujet ou d'autres), à ceux qui, mesquinement, le vouent aux gémonies, au mépris le plus désinvolte (« lors de ma prochaine grippe »), sans même avoir fait l'effort, visiblement, de le lire et de le comprendre, de s'efforcer d'approfondir un minimum une oeuvre beaucoup trop paradoxale en surface pour n'avoir pas de profondeur, lui déniant même le statut d'écrivain (il m'était bien normal après ça, “de bonne guerre”, de fustiger tes propres tares en ce domaine), eh bien, cela me fait l'effet de me défendre, moi, par procuration, de « persévérer dans mon être ».<br />  <br />  <br /> G.<br /> ceo-121h@myamail.com<br />  <br />  <br />
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B
@gabrielAvant de répondre, deux choses :- mettre un faux lien sur ton nom n'est pas honnête de ta part (on se tutoie donc),- je ne sais pas si, compte tenu de to dévelopement de ton priopose tu sois intéressé par uen réponse détaillée et argumentée à ton commentaire.Ceci étant, je répondrai à ton commentaire si tu refais signe et si, par exemple tu me donnes l'assurance de me lire.Sinon, je n'en éprouverai pas la peine...Ceci étant, sache qu'il y a trop de parti pris, de mauvaise foi et de douleur dans ton commentaire.. et pas même de l'indulgence, juste de la méchanceté... Certes avec les formes, mais de la méchanceté... je ne t'ai rien fait que je sache, il était donc inutie de me rentrer dedans de cette manière...<br /> (je ne me relis pas.. je crois que tu apprécies mes fautes de frappe, de grammaire et d'orthographe)
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G
Je réagis ou je ne réagis pas ?... Bon, comme tu sembles avoir fait un effort pour rédiger ce petit exposé, pour en ménager le rythme et les effets, avec une ponctuation précise et un vocabulaire idoine (malgré quelques scories embarrassantes, j'y reviendrai), et comme j'ai lu que tu répondais toujours aux commentaires et qu'en ce moment je reçois fort peu de courrier, je me lance."Alors, pourquoi pas un voyage sur une île pour atténuer la grippe ?"=> Toutes choses étant égales par ailleurs, ce ne sont pas là des conditions très propices pour apprécier un livre..."Mais, on ne peut pas lire naïvement et ingénument Houellebecq, en tous les cas, pas moi."=> Pourquoi ?!"[...] D’abord, on peut se demander ce que l’auteur a contre l’Espagne et contre les Espagnols."=> Je ne vois vraiment pas ce qui te permet de dire ça. Je n'ai à l'esprit aucune insulte contenue dans ce livre visant spécifiquement l'Espagne et/ou les Espagnols."Ensuite on se demande pourquoi il a écrit ce livre. Il est construit comme plus aucun soupirant..."=> Aucun « aspirant » ?... Ou est-ce une figure de style ?"...à la publication littéraire n’oserait le faire en alternant scrupuleusement les chapitres écrits dans un certain présent et les autres dans un certain futur."=> La seule question à se poser est : est-ce que ça marche, est-ce que la forme, la structure est justifiée par le propos. Il y a beaucoup de choses qu'un débutant n'oserait pas faire, qu'un auteur expérimenté peut se permettre, étant capable justement d'en renverser ou renouveler le sens, l'effet. Victor Hugo a fait rimer je ne sais combien de fois « jour » et « amour », ce qui devait déjà à l'époque être un cliché honteux (bon, d'accord, ce sont généralement des poèmes atroces...). Le premier roman de Dostoïevski, Les pauvres gens, est un roman épistolaire, genre qui était alors largement éculé et tombant en désuétude. Etc. Conclusion : argument nul."A mi-chemin entre science fiction et anticipation, le livre est inclassable. Souvent un livre inclassable se révèlera génial, parce qu’inclassable, différent des autres, innovateur. Hélas, ici, c’est bien le contraire, prévisible, ennuyeux (le récit est chronologique et linéaire), longuet, ..."=> Je lis en ce moment La nausée, de Jean-Paul Sartre, qui est à peu près semblablement présenté comme un journal ("récit de vie" dans La possibilité d'une île) : je pourrais également dire que c'est linéaire, prévisible, ennuyeux. Je peine à le terminer, c'est une horreur (ce qui n'a pas du tout été le cas de LPDI, lu en quelques jours), mais je n'en conclurai pas pour autant que c'est un mauvais roman."...complètement à côté de la plaque sur le côté génétique (ça parle clonage) et scientifique. "=> Pourrais-tu développer ? Quelle formation as-tu qui te permette d'être si catégorique ? (Michel Houellebecq est ingénieur agronome, et moi je suis allé jusqu'en maîtrise de biologie cellulaire.)"Car, de quoi s’agit-il ? Au présent, on suit le récit autobiographique d’un célèbre humoriste qui ne réussit pas dans sa vie sentimentale comme dans sa vie professionnelle,..."<br />  <br /> C'est faux, c'est au contraire une personnalité très respectée (avec de bonnes critiques dans Télérama et dans un magazine de rap hardcore, c'est dire !...).<br />  <br /> "...et qui va se retrouver mêlé à une secte qui prône l’immortalité... Le personnage, un humoriste, est antipathique, sans humour, ce qui est un comble, tellement que l’auteur lui-même n’arrive pas à nous faire rire avec, grave erreur !"=> Il s'agit précisément de montrer « l'envers du décor », de montrer un professionnel du cynisme gagné par un profond dégoût et une immense tristesse, humaine, trop humaine. Une mécanique en plein processus de désagrégation, révélant par ailleurs la désagrégation de la société en général."Les chapitres du futur sont de l’écriture de son vingt-quatrième clone... pire à déguster ! D’ailleurs, très vite au début, j’ai fini par sauté ces chapitres."=> J'avoue que la plupart des chapitres (heureusement très courts) attribués à Daniel 24 sont à peu près imbitables, et pas toujours cohérents avec le saut dans le temps de quelque 2000 ans... A noter que « sauter » à l'infinitif prend la terminaison « -er ». Eh ouais. Je ne commenterai même pas tant ça me navre... (Étrangement, cette erreur devient très fréquente, je crois même l'avoir vue dans des textes à la télévision, comme si l'époque était à ce point emmêlée qu'elle ne savait plus faire la différence entre une action accomplie et une action entrain de s'accomplir, ou simplement potentielle, virtuelle...)"Suivre un personnage antipathique dans la littérature, c’est difficile, et encore plus quand le récit se fait à la première personne."=> Il y en a beaucoup d'autres... Et il faudrait s'entendre sur la définition d' « antipathique ». J'aime beaucoup cette phrase d'Alain Soral (dans Misères du désir) : « Le cynique est un naïf qui se soigne, il a toujours une roublardise de retard sur le tartufe-né ; à côté de lui c'est un gamin. » Ou encore celle-ci de Pierre Desproges : « [...] [L]es vrais misanthropes, qui aiment trop l'humanité pour la supporter médiocre. » Ou encore, dans le même genre, et toujours de Desproges : « [...] [L]a vraie pudeur qui consiste à montrer son cul pour cacher son coeur. »"Le lecteur n’arrive pas à s’identifier, il lit avec recul, avec un filtre."=> Parle en ton nom. Le problème vient peut-être de ce « filtre ». D'aucuns ont comparé la lecture de Céline à un « dépucelage littéraire » -- je crois qu'on peut dire la même chose de Michel Houellebecq (et ceci n'a certes rien à voir avec les descriptions sexuelles...)."Ce qui suit le lecteur se trouve ailleurs, et ici, le moteur de la lecture finit par être le voyeurisme, le cul et la réponse à la question : jusqu’où Houellebecq peut-il aller dans la platitude ? Hé bien, il va très loin, c’en est prodigieux. Je vous passe les mots tordus, alambiqués voire faux qui truffent le livre. Je vous passe aussi les stéréotypes et les clichés."=> Ben non, c'est là que ta critique aurait pu commencer à devenir intéressante !"Je vous passe aussi les provocations à caractère raciste dont H. est coutumier, mais qu’il a beau jeu de mettre dans la bouche de son héros qui, bien sûr, en aucun cas, n’est lui-même..."=> On s'en fout. Un livre devrait pouvoir être considéré avant tout comme un objet autosuffisant, une oeuvre qui contient en elle-même tout ce qu'elle a à dire. (Je ne sais plus quel écrivain déclarait ne pas aimer parler de ses oeuvres, parce que soit un livre est réussi et il s'agit de le répéter, en moins bien, soit on parvient à dire des choses qui n'y sont pas -- ne serait-ce que suggérées, auquel cas en parler équivaut à un viol ou une profanation -- et l'on sait alors que le livre est raté, inabouti.) Au reste, comme Michel Houellebecq lui-même l'a écrit tout récemment sur son blog personnel : « Si j’avais été directeur de collection chez un éditeur important, si j’avais fait partie du jury d’un prix coté, si même je n’avais fait que tenir une chronique régulière dans Les Inrockuptibles, jamais on ne se serait permis de me traiter comme on l’a fait, jamais je n’en serais là ou je suis aujourd’hui - proscrit, semi-paria, oscillant entre le découragement et la haine (alors que je n’ai même pas, comme Céline, appelé à l’extermination des Juifs, ni d’ailleurs à l’extermination de qui que ce soit - excepté, occasionnellement, des ours). » (Note du 18-08-2006, « Les bons conseils de Frédéric Beigbeder, et pourquoi je n'arrive pas à les suivre ».)"Mais le plus gros défaut de son livre réside dans le décalage entre le niveau d’instruction annoncé de son héros et le niveau de raisonnement dont il nous assène l’écriture tout au long du livre. On ne lit et n’entend que H. dans tout le livre, son héros insignifiant, stupide et raciste, on y croit 20 pages... Sa culture, ses références philosophiques (deux philosophes, pas plus), son raisonnement sont 100% Houellebecq."=> Pierre Desproges n'avait pas fait d'études non plus... (Enfin, un diplôme de kinésithérapeute, difficile d'en établir la traçabilité en lisant ses textes subséquents, truffés de références culturelles diverses et d'une haute maîtrise stylistique.) Pierre Desproges a de même écrit ou dit des choses ahurissantes, dans le genre « provocations à caractère raciste » ; pourtant, les gens intelligents savent le lire et l'écouter sans estimer que c'était un homme « insignifiant, stupide et raciste ». (N'y a-t-il pas contradiction, d'ailleurs, à reprocher à quelqu'un d'être tout à la fois trop intellectuel et stupide ?) Le vrai racisme n'est d'ailleurs pas le plus ostensible : ça commence souvent par un « filtre »...« Deux philosophes » : sont évoqués ou cités (de mémoire) Schopenhauer, Comte, Kant, Nietzsche, Pascal, Spinoza, Hegel... même une citation de Heidegger en épigraphe d'un chapitre ! (complètement grotesque il est vrai, comme à peu près toutes les épigraphes de chapitres, ce que je peine à m'expliquer...)"Donc, le meilleur passage du livre, c’est quand Houellebecq fait du Houellebecq et raconte la fin de la vie sexuelle d’un homme proche de la cinquantaine : ça marche 30 pages... Mais ce n’est jamais drôle, c’est triste et pathétique... et faux !"=> Donc tu as atteint ou dépassé cet âge pour en juger ? Si oui, c'est une information intéressante. Si non, comment argumenterais-tu ? Moi, sur cet aspect, ce que j'ai regretté est que, contrairement à ses précédents livres (Les particules élémentaires notamment), il évoque un type particulier de souffrance, sans détachement, celle des « vieux » dans un monde où on peut être « gay, trans, bi, SM, zoophile » (ce que je crois d'ailleurs faux, du moins partiellement : en pratique les jeunes hommes sans « valeur ajoutée » sont tout autant ostracisés que leurs aînés, leurs perspectives aussi limitées, tant sexuelles qu'économiques -- mais il est vrai qu'il s'agit surtout de décrire la mentalité globale, le climat de la société, et alors oui, effectivement, la Jeunesse est plus mise en avant qu'elle ne l'a jamais été) ; quand il n'est pas un « observateur acéré de la société » au discours froid et cynique, la narrateur souffre de manière si vive que plus rien d'autre ne compte que lui-même (il s'en rend compte à un moment, dans un passage fort éclairant où il commente sa propre réaction, excessivement crispée, lors d'une discussion avec Esther au sujet de deux réalisateurs de cinéma). C'est cohérent avec une narration à la première personne, mais je préférais la neutralité cristalline des Particules élémentaires (où le narrateur, on le découvre à la fin, et cela donne tout son sens à maintes incongruités apparentes, n'est autre qu'un représentant de la nouvelle humanité, née principalement des travaux de Michel Djerzinski)."Le reste n’est que de la science fiction d’adolescent ..."=> Il est vrai que l'aspect strictement S.F. est très rudimentaire (avec même de vieux, vieux clichés du genre, entre parenthèses : « la cité avait été détruite par une succession d'explosions nucléaires au cours d'une des dernières phases des conflits interhumains »). Mais ce n'est pas ici le propos essentiel, ce n'est pas à proprement parler un roman *de* science-fiction (du moins au sens habituel de « fiction futuriste », où la description de ce futur est un élément essentiel de l'intrigue). Au reste, je vais me répéter : la trame S.F. des Particules élémentaires était beaucoup plus réduite en volume (une trentaine de pages, en épilogue, et quelques discrètes allusions tout au long du texte, que l'on ne peut comprendre qu'une fois la lecture achevée) mais nettement plus pertinente, fouillée et originale."...attardé sur Internet qui a trop lu Science et Vie entre deux sites pornographiques, le tout teinté de racisme contre les Arabes, les Espagnols et l’Espagne, les vieux, les artistes et les cons...=> Tout cela est extrêmement réducteur. Essaie une fois « sans filtre »... Ou après lecture des précédents livres, en effet. La possibilité d'une île est sans doute le dernier livre que je recommanderais à quelqu'un qui voudrait découvrir l'oeuvre de Michel Houellebecq. (Qui d'ailleurs est très cohérente dans sa linéarité, son 1er livre publié, l'essai sur H.P. Lovecraft, contenant la plupart des thèmes à venir, l'ébauche de son style et de sa sensibilité, qui existent bel et bien, et de manière éclatante quand on sait (le) lire.) Quant à la science, à mon sens il n'y en a pas assez ; je veux dire : il est un des très rares écrivains sérieux à être capables d'intégrer à ses récits un solide arrière-plan scientifique (il l'a déjà prouvé), il est dommage qu'il se restreigne à ce niveau (par paresse ou, ce qui m'étonnerait de sa part en dépit des apparences, souci d'accessibilité au plus grand nombre)."Enfin, pas les cons, les gens simples et normaux, ceux que Houellebecq ne rencontre jamais, ni dans les club échangistes, ni sur les trottoirs parisiens et qui font pourtant sans doute le gros de ses lecteurs."=> C'est stupéfiant à quel point tes commentaires dénotent une lecture bête et méchante, au premier degré (voire au sous-sol, avec le thermomètre planté dans le cul et le gant humide sur le front et la tisane préparée par môman sur la table de nuit !... gnark gnark, ça fait du bien d'être bête et méchant temps z'en temps...)."L’écriture n’est pas belle, H. n’est pas un écrivain,..."=> Cela me semble totalement faux. On pourrait même dire qu'elle est « trop » belle dans ce dernier roman, il y adopte dans de nombreux passages un style léché, tout en circonvolutions, avec même de nombreux imparfaits du subjonctifs -- ça c'est beaucoup plus subversif que les scènes de cul en 2006 ! --, et perd un peu de son identité.Qu'est-ce qu'un écrivain pour toi ? Je ne pense pas qu'une écriture doive forcément être « belle » pour mériter d'appartenir à la « littérature ». Encore moins si par « belle » on entend « jolie, virevoltante, sonore, délicate... » ; entre Paul Verlaine et Arthur Rimbaud, le premier avait sans doute, et de loin, la manière la plus « belle », la plus musicale, la plus élégante, mais le second a une importance dans l'histoire littéraire considérablement supérieure, étant devenu en France et peut-être dans tout l'Occident le poète par antonomase. J'adore à ce sujet la nomenclature des « organes de l'écrivain » établie par Amélie Nothomb dans l'excellent Hygiène de l'assassin (dont c'est le seul livre que j'ai lu à ce jour, c'est son premier publié et il se peut que ce soit son meilleur) : la plume ne suffit pas, des tas de journalistes, et même de mauvais écrivains, savent très bien écrire, ont une « belle » écriture ; il y faut encore des « couilles » (« capacité de résistance à la mauvaise foi ambiante »), une « bitte » (« la capacité de création » -- Victor Hugo avait « une grande bitte mais pas de couilles »), des « lèvres » (pour la « sensualité », et, surtout, pour « taire ce qui ne doit pas être dit »), des « oreilles » (« le gueuloir intérieur »), une « main » (« pour jouir »). Question « bitte », Michel Houellebecq est dans la moyenne (Depuis 1994 : 4 romans, 2 recueils de poèmes -- très inégaux : de l'excellent et du nullissime, à se demander pourquoi il a tenu à publier certaines bouses : comme tu peux constater, je n'ai pas l'attitude du fan inconditionnel qui prend tout pour parole de Grand Génie, la moindre rimouille de soirée bougonne imbibée au bourbon pour un oracle habité par la grâce ; ça ne m'empêche pas d'être admiratif pour ce qui est réellement de grande valeur, et il y en a en quantité -- et quelques articles, chroniques et contributions diverses ;  rien à voir, par exemple, avec la production industrielle -- sans juger de la valeur que je connais mal -- d'un pisseur de prose comme Maurice Dantec, pour prendre un exemple contemporain) ; mais pour tout le reste, il domine largement la production littéraire française. Je te suggère de lire cette page : http://www.palli.ch/~kapeskreyol/ki_nov/lafwans/zang.php (comme c'est plutôt longuet, fais une recherche dans la page sur le mot « houellebecq » -- mais le tout mérite d'être lu)."ce qui pose la question de la sénilité du jury du Goncourt."C'est le contraire, tu devrais le savoir (pas la peine de rappeler encore une fois qu'un certain L.F. Céline n'a jamais obtenu le prix Goncourt, et que 90% des goncourisés ont sombré dans un oubli à peu près total). La question était pour le jury du prix Goncourt de savoir s'il était opportun de bénéficier du succès international de Michel Houellebecq, plutôt que le contraire. C'était de savoir si le Goncourt devait être Houellebecquisé plutôt que le contraire. La chose étant irréversible, et jugée dangereuse, délétère pour l'institution littéraire franco-française, on a préféré rester prudent et récompenser un vieux tâcheron bien lisse et inoffensif, ayant probablement une « belle » écriture. C'est dans l'ordre."Mais en ajoutant beaucoup de cul, beaucoup de fantasmes interdits et des sujets racoleurs à la mode (clonage, pédophilie, inceste, liberté sexuelle et secte),..."=> Il joue précisément là-dessus, c'est un des thèmes du roman, une mise en abyme en quelque sorte. (Et un discret auto-portrait en filigrane, très ambigu, où il joue tout en les déjouant avec les critiques faites à son endroit.) Il ne fait pas qu'ajouter, comme autant d' « ingrédients », il s'interroge très sérieusement sur le sens des interdits modernes et leurs perversions. Mais peut-être que cela, justement, est interdit ?..."...il ne manque rien pour faire un succès peu estimable de librairie."=> Il y en a assurément de bien moins estimables !..."Et si l’on me dit que cela n’est pas son meilleur ouvrage, je veux bien tenté « L’extension du domaine de la lutte »... lors de ma prochaine grippe !"=> Si tu as toujours ton « filtre » ça ne marchera pas mieux. Et puis je veux bien croire que la lecture de Michel Houellebecq ne puisse captiver qu'un certain type d'individu, ayant une perception anormalement sensible et une forte propension à la souffrance morale, des individus, justement, totalement dépourvus de « filtres », que ce soit natif, inhérent à leur idiosyncrasie, ou consécutif d'une expérience tragique quelconque, ayant brisé tout recours possible à la mauvaise foi, à l'illusion, à de fausses croyances, au confort. Mais, quand bien même on n'accroche pas, on se doit, si l'on entreprend d'écrire une critique accessible, virtuellement, dans le monde entier (une de plus... n'est-ce pas là aussi une manière de parler de soi, de faire parler de soi, de donner à son tour son avis, forcément très tranché sinon ça ne fait pas assez causer, sur le truc dont tout le monde parle ?... Le soin que tu as apporté à la rédaction -- malgré, ici encore sur « tenter », preuve que ce n'est pas une simple faute de frappe, ta maîtrise pour le moins hasardeuse de la conjugaison (!) à l'infinitif des verbes du premier groupe... -- m'incline à penser que tu es de bien mauvaise foi), de faire preuve d'objectivité, de nuance, en un mot d'intelligence. La tienne est un peu « grippée » sur ce coup... (Je t'accorde le bénéfice du doute, j'ai découvert ton blog par cette entrée ; mais j'avoue que ça ne m'a pas donné envie de consulter le reste.)<br />  <br /> Gabriel<br />  <br />
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B
Tiens, allez, je réponds un peu... tard, mais...@PHMerci, oui, sans doute as-tu raison.. je ne l'ai pas lu.. Il semble que "Les Particules élémentaires" soit meilleur.@GillesMerci.Mais moi j'évite carrément le sujet dans mes dîners en villes !Rire !@EricHa, bien. Voilà donc un sujet sur lequel nous ne serons peut-être pas d'acccord, mais ce n'est pas sûr non plus, car il me faudrait lire les "Particules élémentaires" et "Plateforme" pour avoir une meilleure idée de l'écrivain.As-tu lu Eric Chevillard et Alain Fleischer ?
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E
"On ne lit et n’entend que H. dans tout le livre, son héros insignifiant, stupide et raciste, on y croit 20 pages… Sa culture, ses références philosophiques (deux philosophes, pas plus), son raisonnement sont 100% Houellebecq. "<br /> oui et non.<br /> bon, je résume: Houellebecq grand écrivain. Style moyen, mais c'est voulu (mais même si c'est voulu, je préfèrerais un bon style _ mais aujourd'hui ça n'existe pas: pas d'écrivain français qui écrive bien ET parle de notre époque).<br /> Houellebecq très drôle. Important, ça.<br /> Houellebecq pas de gauche. Il emmerde José Bové, Jack Lang et Conh Bendit, à mon avis.<br /> Mais je ne le trouve pas de droite. C'est bizarre! (Mais je ne trouve pas Céline de droite. Enfin, le Céline du Voyage au bout de la nuit. Après, c'est autre chose, mais tu as vu ça sur le DEL). Il est sans doute plus de droite que de gauche... mais en fait en s'en fout. C'est un écrivain, un artiste.
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