Où est le bec de gaz ?
Je l’avoue, j’ai réussi à voyager dix ans à Paris sans avoir jamais lu Houellebecq (le correcteur automatique de mon ordinateur n’accepte pas « Houellebecq » et me propose « Houilleuse »… ?). Il aura fallu donc attendre que je tombe, par hasard, sur son dernier ouvrage « La possibilité d’une île », à Valparaiso, pour me lancer. Je le fis avec d’autant plus de curiosité que j’avais appris qu’avec cet ouvrage, il avait frôlé la consécration du Goncourt. Alors, pourquoi pas un voyage sur une île pour atténuer la grippe ?
Mais, on ne peut pas lire naïvement et ingénument Houellebecq, en tous les cas, pas moi.
Il ne faut pas partir pas à l’assaut de ces 485 pages avec trop d’a priori négatifs, sinon, on finit sur les dents ou à manger le livre au bout de cinquante pages. Et Fayard, comme chacun sait, est souvent indigeste et difficile à digérer.
D’abord, on peut se demander ce que l’auteur a contre l’Espagne et contre les Espagnols. Ensuite on se demande pourquoi il a écrit ce livre.
Il est construit comme plus aucun soupirant à la publication littéraire n’oserait le faire en alternant scrupuleusement les chapitres écrits dans un certain présent et les autres dans un certain futur. A mi-chemin entre science fiction et anticipation, le livre est inclassable. Souvent un livre inclassable se révèlera génial, parce qu’inclassable, différent des autres, innovateur. Hélas, ici, c’est bien le contraire, prévisible, ennuyeux (le récit est chronologique et linéaire), longuet, complètement à côté de la plaque sur le côté génétique (ça parle clonage) et scientifique. Car, de quoi s’agit-il ?
Au présent, on suit le récit autobiographique d’un célèbre humoriste qui ne réussit pas dans sa vie sentimentale comme dans sa vie professionnelle, et qui va se retrouver mêlé à une secte qui prône l’immortalité… Le personnage, un humoriste, est antipathique, sans humour, ce qui est un comble, tellement que l’auteur lui-même n’arrive pas à nous faire rire avec, grave erreur !
Les chapitres du futur sont de l’écriture de son vingt-quatrième clone… pire à déguster ! D’ailleurs, très vite au début, j’ai fini par sauté ces chapitres.
Suivre un personnage antipathique dans la littérature, c’est difficile, et encore plus quand le récit se fait à la première personne. Le lecteur n’arrive pas à s’identifier, il lit avec recul, avec un filtre. Ce qui suit le lecteur se trouve ailleurs, et ici, le moteur de la lecture finit par être le voyeurisme, le cul et la réponse à la question : jusqu’où Houellebecq peut-il aller dans la platitude ? Hé bien, il va très loin, c’en est prodigieux.
Je vous passe les mots tordus, alambiqués voire faux qui truffent le livre. Je vous passe aussi les stéréotypes et les clichés. Je vous passe aussi les provocations à caractère raciste dont H. est coutumier, mais qu’il a beau jeu de mettre dans la bouche de son héros qui, bien sûr, en aucun cas, n’est lui-même…
Mais le plus gros défaut de son livre réside dans le décalage entre le niveau d’instruction annoncé de son héros et le niveau de raisonnement dont il nous assène l’écriture tout au long du livre. On ne lit et n’entend que H. dans tout le livre, son héros insignifiant, stupide et raciste, on y croit 20 pages… Sa culture, ses références philosophiques (deux philosophes, pas plus), son raisonnement sont 100% Houellebecq. Donc, le meilleur passage du livre, c’est quand Houellebecq fait du Houellebecq et raconte la fin de la vie sexuelle d’un homme proche de la cinquantaine : ça marche 30 pages… Mais ce n’est jamais drôle, c’est triste et pathétique… et faux !
Le reste n’est que de la science fiction d’adolescent attardé sur Internet qui a trop lu Science et Vie entre deux sites pornographiques, le tout teinté de racisme contre les Arabes, les Espagnols et l’Espagne, les vieux, les artistes et les cons… Enfin, pas les cons, les gens simples et normaux, ceux que Houellebecq ne rencontre jamais, ni dans les club échangistes, ni sur les trottoirs parisiens et qui font pourtant sans doute le gros de ses lecteurs. L’écriture n’est pas belle, H. n’est pas un écrivain, ce qui pose la question de la sénilité du jury du Goncourt. Mais en ajoutant beaucoup de cul, beaucoup de fantasmes interdits et des sujets racoleurs à la mode (clonage, pédophilie, inceste, liberté sexuelle et secte), il ne manque rien pour faire un succès peu estimable de librairie.
Et si l’on me dit que cela n’est pas son meilleur ouvrage, je veux bien tenté « L’extension du domaine de la lutte »… lors de ma prochaine grippe !