On ne rit plus ! (3)

Plus bas que les squatters, plus bas que les clandestins et les sans-papiers : les personnes incarcérées dans les prisons.
Il est courant de rappeler que la limite basse des aides sociales, des seuils d'acceptabilité de la part d'une population pour les catégories en situation précaire, que les tolérances d'une société pour aider ceux qui en ont besoin, tout cela se mesure part rapport à un niveau plancher qu'occupent les taulards... En clair, il ne s'agit pas que la situation et les conditions de vie des taulards soient meilleures que celles des plus précarisés mais "libres", parce que "innocentes"...
Ici, juste vous dire ce que personne ne sait ou ne veut voir parce que la prison est cachée, ignorée, oubliée par tous, y compris par les media qui se gargarisent sans cesse des histoires de ceux qui y pourrissent...
Alors, d'abord quelques chiffres : 
L’effectif de la population sous écrou au 1er août 2005 est de 59 268 (métropole et outre-mer). En excluant les 962 condamnés placés sous surveillance électronique et les 273 condamnés placées à l’extérieur sans hébergement, on obtient une densité carcérale de  58 033 pour 51 129 places opérationnelles, soit 114 détenus pour 100 places.
La proportion de prévenus (non encore jugés), parmi l'ensemble des personnes écrouées,  est de 34 %.
Au 1^er avril 2005, la proportion de moins de 25 ans est de 27 % et la proportion d’étrangers : 21 %.
Détenus condamnés : viols et autres agressions sexuelles (21,5%), violences (17,4%), trafics de stupéfiants, (15,1%),  vol qualifié (9,3 %), crime de sang (8,9 %), escroquerie, abus de confiance, recel (7,3%) vol simple (7,2%),  homicide et atteintes involontaires à l’intégrité de le personne (5,4 %), infractions  à la législation sur les étrangers (1,6%), autres (6,3%).
Soit une proportion d’atteintes aux personnes d’environ  80 %.
Cette proportion était de 30 % en 1975, 35 % en 1985,  60 % en 1995 (ordres de grandeur).

Pourquoi un laïus sur les prisons ici ? Parce que je vous rappelle que la prison est aussi remplie de personnes en attente de procès, parce que nos sociétés n'ont toujours pas trouver comment agir pour prévenir les crimes et délits, ni comment punir, soigner ou réinsérer leurs auteurs. Que depuis trop longtemps en France on a plein d'idées pour la répression et pas assez de courage et d'argent pour le prévention. Or, cette notion et ce sentiment d'insécurité, le besoin de se sentir en sécurité, les notions de liberté et toutes les formes de liberté (de parler, de se déplacer, de consommer des produits psycho-actifs légaux ou non...), tout cela passe par une meilleure utilisation de l'incarcération comme moyen de rendre à la fois la société plus sûre, mais aussi plus juste.
Or nous savons que les taux de délinquance, de crimes et délits sont aussi liés aux chiffres du chômage, de la précarité, au niveau de tolérance des étrangers, au lois qui régissent les délits de l'immigration et ceux sur la drogue...
La prison et la population carcérale illustre au mieux les échecs de notre société, c'est pour cela qu'on les cache.
Tout ça pour vous sensibiliser à une question trop souvent oubliée et qui pourtant est, pour moi, beaucoup plus importante qu'il n'y parait, car la prison est également une source de contamination de sida, d'hépatite, de tuberculose, un lieu de naissance d'idées de récidive, de suicides, de misère sociale... Mais il faut aussi dire que dans les prisons, on retrouve des personnes que la société a mis là pour d'autres mauvaises raisons, comme de nombreux malades mentaux qui devraient être en hôpitaux psychiatriques, comme de simples usagers de drogues que l'on devrait soigner et non enfermer, comme des sans-papiers que l'on devrait régulariser ou renvoyer chez eux, des grabataires ou séniles, etc.
Alors, pour ne pas vous laisser seuls avec toutes ces idées tristes parce que réelles, deux liens vers deux associations qui oeuvrent pour améliorer tout cela, avec l'idée qu'améliorer le sort des prisonniers, c'est aussi améliorer la société toute entière :
- le Courrier de Bovet est une association de bénévoles qui entretiennent de la correspondance épistolaire avec de prisonniers afin de rompre l'isolement et la solitude : http://cdbovet.club.fr/index.html
- l'Observatoire international des prisons OIP : http://www.oip.org/

Et puis, relire Foucault "Surveiller et punir" ne fera jamais de mal....