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Invitation au voyage

Protester en toute légalité

14 Mai 2011 , Rédigé par Bertrand Publié dans #Chili con carnet

Il est extrêment complexe de comprendre la population d’un pays qui n’est pas le sien. Ecouter, converser avec les gens, lire la presse et regarder la télévision, faire abstraction des préjugés, des stéréotypes, des a-priori, ne pas chercher le pourquoi mais le comment, etc. Tout est possible pour tenter de ne pas interpréter sinon décrire, mais c’est bien difficile.

2011 0114

En ce moment, le Chili vit des jours bien étranges.

Le 21 mai prochain, c’est le jour de la fête nationale et à cette occasion, le Président de la République fait un discours devant le Parlement, faisant un bilan de son mandat et présentant sa politique à venir.

L’an dernier, Sebastian Piñera n’avait pas grand chose à dire d’autre que de parler d’un Chili qui va se relever du terrible tremblement de terre qu’il connût.

Depuis, de l’eau est passé sous les ponts, la reconstruction du pays post-terremoto est sujet à litiges, débats et critiques ; il y a eu le sauvetage des 33 mineurs qui a fait le tour du monde et a donné une fantastique image du Chili (après celle anecdotique donnée par la Roja durant la coupe du monde de football en Afrique du sud) ; il y a eu les scandales politiques, une union de la droite au pouvoir qui s’effrite et une opposition qui est en ruines ; il y a les scandales de l’église catholique chilienne...

Et puis, depuis cinq jours, il y a HidroAysen, ce projet de construction de plusieurs barrages hydroélectriques en Patagonie qui a provoqué des manifestations dans tout le pays, quand dans un même temps, depuis plusieurs mois (alors que les media n’en parlent pratiquement pas) de nombreuses manisfestations ou mouvements de grèves se produisent dans tout le pays, dans tous les secteurs, et particulièrement dans le secteur de l’éducation.

Et justement, ces jours-ci, plusieurs manifestations ont lieu et donnent l’occasion de débordements entre policiers anti-émeutes et manifestants, que les télévision montrent et remontrent en boucle. Il semble que le pays ne soit pas habitué à tant de manifestations et il semble que les policiers non plus. Les policiers semblent le plus souvent trop nombreux et se positionnent de front aux cortèges, envoyant le plus souvent les canons à eau (appelés ici Guanaco en hommage à l’animal qui crache) et aussi usant et abusant de gazs lacrymogènes, face le plus souvent à une population manifestante certes agitée, mais guère agressive.

ARTILUGIOS

Rappelons que les jeunes qui manifestent aujourd’hui -que ce soit pour défendre une éducation gratuite et accessible à tous ou que ce soit contre le projet HidroAysen- appartiennent à ces générations qui n’ont pas connu la dictature ni ses mésfaits. Nombreux d’ailleurs sont ceux que le pays a appelé « Pinguinos » (pinguoins, car les uniformes obligatoires des collégiens et lycéens ici font penser au sympathique animal), ces jeunes qui avaient dès le début du mandat de Michèle Bachelet comme Presidenta, provoqué un mouvement de protestations sans précédent et hélas trop rudement réprimé par la Bachelet qui perdit ainsi d’entrée de mandat une grande part de son capital sympathie –ils avaient envoyé les CRS « taper » sur ces jeunes collégiens et lycéens, mineurs donc.

 

Mais les manifestations actuelles contre le projet HidroAysen présentent la caractéristique d’être multigénérationnelles et apolitiques.

Ce projet ne plaît à personne, parce qui’il touche à tout le monde, c’est à dire qu’il touche au paysage chilien, à son patrimoine, à son eau, à son tourisme, à sa culture.

Et cette tension dans tout le pays va sans doute se faire sentir jusqu’au jour du discours présidentiel le 21 mai prochain.

 

Le Chili (re)découvre le principe démocratique de la protestation publique à une époque où la globalisation donne accès à Internet, aux réseaux sociaux, à une information internationnale, à une aide méthodologique mondiale pour manifester, discuter, argumenter, etc. Et à l’instar de la Communauté Mapuche qui a su aller chercher dans d’autres communautés indigènes dans le monde la meilleure méthodologie pour faire avancer ses exigences (allant jusqu’à se faire appuyer par l’ONU), les jeunes aujourd’hui se font aider par les grandes associations lobbyistes pour savoir comment manifester, comment agir et pourquoi, sans risquer d’être arrêté ou comettre de délits.

Protester en toute légalité est ce que le Chili est en train de découvrir.

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Et tous ces jeunes qui doivent s’endetter pour étudier, sans être sûrs de pouvoir avoir un travail qui leur permettra de rembouser les dettes contractées à la fin de leurs études, ces jeunes qui n’ont pas connu la répression de la dictature, ces jeunes habitués à Internet, Facebook, Twitter etc. Ces jeunes n’ont rien à perdre et tout à gagner à proposer une autre politique, une autre démocratie que celle que subit leurs parents et grands-parentsç depuis trop longtemps

Car grâce à des livres comme « La stratégie du choc » de Naomie Klein, ils ont compris que cet ulttralibéralisme instauré par l’idéologie de Friedman et l’école de Chicago et mise en place par Pinochet, est une voie sans issue pour eux.

Ils veulent une éducation gratuite, accessible et égalitaire quand la tendance actuelle est toujours plus de privatisation et les études toujours plus chères.

Ils veulent un pays qui respecte l’écologie et la santé de tous.

 

Mais dans un même temps, les media montre sans relache une autre jeunesse, inactive, droguée ou violente, délinquante et agressive, dangereuse. Et quand il y a une manisfestation les télévisions ne montrent le plus souvent que les violences en marge. Et les journaux télevisés ouvrent le plus souvent leurs unes sur des agressions, des vols avec violence, des viols, etc.

L’installation de caméras de videosurveillance va bon train, la peur est partout et comme un peu partout dans le monde, la tendance est de mettre tout le monde chez soi devant un écran (TV, Ipad, ordinateur, etc.).

Ne pas sortir !!!

Surtout ne pas sortir !!! Dehors c’est dangereux...

La jeunesse est dangereuse !

DSC07639 

Post scriptum pour information :

En Italie, des associations écologique ont demandé aux entreprises italiennes de ne pas partiociper au projet HidroAysen.

En Espagne on s’inquiète de l’usage excessif de gazs lacrymogènes pour réprimer les manifestations quand on connait les mésfaits sur la santé de ces gazs.

Et Amnesty International s’inquiète aujourd’hui du caractère ultra répressif de l’attitude des forces de l’ordres face à ses manifestations.

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<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> <br /> J'aime votre blog, vos impressions de Valparaíso et (malgré tout !) votre attachement au Chili et aux Chiliens. En plus, je déteste aussi Sarko...<br /> <br /> <br /> Bravo pour votre travail!<br /> <br /> <br /> Un abrazo cordial<br /> <br /> <br /> PS. Le 21 mai n'est pas la fête nationale du Chili.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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