Mon oncle André était ...

Mon onle André a été beaucoup pour moi.

D'abord il était mon seul oncle direct, frère de mon père. Plus jeune que mon père, il a aussi d'une certaine facon eu davantage de complicité avec moi que mon père. 

Mon père est toujours grave, sérieux, dictant classe et professorant, mon oncle était léger, insouciant, désintéressé. Certains voyaient ses défauts avant ses qualités, parce que notre société a ses critères et André avait les siens propres.

Travailler ? Pour quoi faire. 

Se fatiguer ? Pourquoi faire.

Se compliquer la vie ? Pour quoi faire.

Il nous faut vivre bien, tout simplement.

La famille, les amis, les amours, mon oncle se satisfaisait très bien de ce qu'il avait réussi à construire, sans effort, sans peine, le tout naturellement possible, avec sincérité et simplicité.

Mon oncle avait réussi son divorce et raté beaucoup d'autres choses aussi.

Mon oncle était beau, de cette beauté animale qui change les destins parce que les apparences prennent parfois trop de place.

Mon oncle fut un bon footballeur mais se pensait mannequin.

Comme mannequin il jouait très bien au foot, comme footballeur il portait très bien le maillot.

J'ai mal connu sa vie intime, mais il avait une lourde incertitude de lui-même qui l'a beaucoup inhibé tout au long de sa vie, et sa prestance cachait sans doute des cicatrices profondes d'une enfance postguerre  difficile, d'une adolescence compliquée et chaotique, à l'ombre d'un trop grand frère (mon père) mais sous l'aile d'un père éperduement aveuglé par cette magnifique paternité postguerre, comme une récompense de ses années comme prisonnier de guerre.

Le plus de temps passé avec mon oncle fut à la plage de Saint Palais sur Mer, enfant, et à table buvant les meilleurs vins de la région de Saint Emilion, adulte.

J'aimais cette contradiction en moi, d'admirer le flegme et la nonchalance de cet oncle, tel un dandy d'une autre époque, qui partageait son temps entre les cafés, les copains et le foot à la télé, et de détester sa flemme pour tout, son inactivité professionelle.

Mais il avait raison le bougre. Il a su mettre devant le temps avec les amis, avec ses filles, avec ses femmes et avec lui-même. Disponible, voilà le mot clé.

A toutes mes visites, il se rendait disponible. Un valeur qui s'est beaucoup perdue depuis que l'on court tout le temps à la recherche du temps, de notre portable et de nos dettes.

Mon onle savait se rendre disponible, c'est pour cela qu'il avait de vrais amis.

Il fut le plus disponible d'entre nous tous, sans doute aussi le plus libre, du moins en apparence, mais le reste ne regarde que lui.

Une rupture d'anévrisme a payé l'addition pour lui.

Comme je vais le détester encore plus ce maudit Covid19 de m'avoir empêché de voyager ce mois d'avril pour une fois encore profiter de ta disponibilité, cher André.